Geoffroy Murat, docteur en éthique

Geoffroy Murat, docteur en éthique militaire et fondateur de Nicomak, nous parle de l’importance de l’éthique et du management par les valeurs, aujourd’hui, pour les organisations.

Bonjour Geoffroy, pourquoi avoir fait une thèse sur l’éthique militaire ?

Le sujet m’interpellait car je travaillais à l’époque dans le monde de la défense. Un jour, je suis tombé sur le programme d’éthique de défense du Canada destiné aux fonctionnaire et militaires du gouvernent. Je me suis alors rendu compte que l’on pouvait faire des choses assez opérationnelles sur le sujet.
Lors de la création de Nicomak, j’ai décidé de commencer ma thèse en science de gestion sur l’éthique militaire. Cela m’a permis d’avoir une complémentarité avec mon associée Myriam Boniface. Elle faisait à l’époque un MBA sur l’éthique et le management. Nous avons ainsi pu proposer une offre pertinente sur le marché français.

On entend de plus en plus parler du management par les valeurs, en quoi cela consiste exactement d’un point de vue opérationnel ?

L’éthique c’est la mise en pratique des valeurs. C’est donc bien du volet opérationnel dont on parle quand on parle du management par les valeurs. Les valeurs viennent interroger l’identité d’une organisation. Manager par les valeurs, s’est s’assurer que dans son fonctionnement (conduite de projets, processus RH etc.) il y ait une cohérence entre cette identité et ce que font les membres de l’organisation. Par exemple, si une entreprise se définit à travers une valeur de bienveillance, il faut savoir ce que signifie cette valeur de bienveillance dans un processus de recrutement ou face à un client par exemple.

Pourquoi l’éthique est un enjeu stratégique pour les organisations selon toi ?

Nous traversons une période où il faut se réinventer sans cesse face à l’évolution rapide des attentes des parties prenantes et face aux progrès technologiques. L’identité des organisations est sans cesse challengée et remise en question. Si on ne travaille pas sur ces valeurs, il y a un risque potentiel que l’ensemble des parties prenantes d’une organisation, ne sache plus très bien ce qui fait l’identité de cette organisation. Or, une structure sans identité à plus de chance de disparaître en se faisant soit absorber soit oublier.

 

Quels conseils donnerais-tu à une organisation qui souhaite s’engager dans un projet d’éthique ?

La première chose à faire est de lister les histoires qui sont représentatives de l’identité de votre entreprise. A partir de ces anecdotes, positives ou négatives, vous identifiez des comportements que vous souhaitez instaurer/pérenniser dans votre structure. Quand on parle de comportements on parle d’états d’esprit très opérationnels et compréhensibles pour les individus. Cela qui permet d’enclencher des plans d’actions pour promouvoir ces comportements. Vous rendez vivant/réel l’identité de votre entreprise.

En quoi Nicomak se différencie des autres acteurs de conseil sur cette thématique ?

Nous avons un outil, Ethimak, qui fonctionne à partir de cas concrets que nous construisons sur mesure avec les clients. Nous appelons cela des dilemmes. Un dilemme est une situation complexe où il n’y a pas de bonne réponse mais seulement des solutions qui ont toutes des avantages et des inconvénients. Un dilemme se différencie d’une question d’intégrité où il y a une bonne réponse, souvent légale. Par exemple, « Il ne faut pas piquer dans la caisse du magasin.».

Cela permet de s’interroger sur les sujets à enjeux pour l’entreprise. Ethimak établie une cartographie des valeurs de l’entreprise telles qu’elles sont vécues, face à des situations concrètes, par les salariés. Cela permet de les confronter aux valeurs souhaitées/désirées par la direction. L’utilisation de cet outil évite le danger de moralisation que l’on a parfois sur le thème de l’éthique et objective les débats facilitant ainsi la mise en place de plans d’actions.

Quelle est la plus belle mission que tu souhaiterais partager avec nous ?

Schneider Electric ! Lors de cette mission, l’enjeu était de former les managers aux sujet de l’éthique. On a construit des dilemmes, vis-à-vis de 5 métiers (achats, RH, finance, commercial etc.), sur des sujets difficiles à traiter pour les salariés. Pour chacun de ces dilemmes, nous avons co-construit trois réponses possibles. Parmi ces réponses, nous avons identifié une réponse qui correspondait le plus à la culture de l’entreprise. Cette réponse est justifiée par des documents de référence et/ou des décisions de la direction. Nous avons fourni le guide de discussion autour de ces dilemme. Chaque manager est désormais invité à l’utiliser pour alimenter une discussion avec son équipe. L’originalité de la méthode est que se sont les managers, eux-mêmes, qui s’approprient le sujet et qui animent la discussion avec les collaborateurs. Ainsi, le sujet de l’éthique sort du carcan de la compliance pour être associé aux enjeux concrets et pratiques des salariés.