L’équité dans l’entreprise : un enjeu de justice sociale et de performance
La période actuelle est témoin d’un grand besoin de justice sociale. Justice fiscale, répartition des richesses, égalité d’accès aux services, prise en compte des difficultés sociales, voilà une synthèse rapide des revendications récentes. C’est avant tout une aspiration sociétale à l’œuvre. Les entreprises peuvent-elles rester à l’écart de ce mouvement ? Devraient-elles en profiter pour réfléchir à cette notion au sein dans leur propre sphère d’influence ? Il serait intéressant de faire un bilan des avantages et inconvénients d’un management soucieux de justice sociale. Mais quelle forme peut prendre la justice sociale au sein de l’entreprise ?
Justice sociale ou équité ?
La justice sociale est une construction morale, et non une justice institutionnelle et exécutive. Assez mouvante, elle recouvre des notions de justice, c’est-à-dire d’égalité des droits et de solidarité collective. On pourra argumenter que toute entreprise a des règles, internes et imposées, participe financièrement à la protection sociale, et qu’il y a une forme de partage des bénéfices entre salariés et actionnaires. On ajoutera que des décisions de plans sociaux sont couvertes par un volet social. C’est maigre et très contraint. Ce n’est pas l’œuvre de l’entreprise elle-même qui irait de l’avant. En tout cas cela ne correspond pas parfaitement aux attentes des collaborateurs. Dans l’univers des entreprises, on préférera évoquer l’équité, qui correspond mieux à un concept sur lequel l’organisation a prise.
De la difficulté à définir l’équité
Au travers de nos interventions au sein des organisations, nous constatons que l’équité est souvent confondue à tort avec l’égalité. L’équité se révèle souvent une valeur morale positive favorable à la performance via le principe d’adaptabilité et donc de flexibilité. Deux approches permettent de cerner l’équité : l’égalité des chances et la justice naturelle. Quand elles se rejoignent, c’est pour dire que si les chances devraient être égales au départ pour tous, il est naturel que tous n’arrivent pas aux mêmes résultats. Ce sont des matières sur lesquelles un management bienveillant peut travailler pour améliorer le bien-être au travail et l’efficacité des organisations.
L’équité via l’égalité des chances en entreprise
Aborder l’égalité des chances dans l’entreprise commence par les pratiques de recrutement et se poursuivra par les opportunités de formation continue. Attributions de primes et d’augmentations de salaire constituent un continuum de décisions propices à des discriminations, notamment (étude à l’appui !) les personnes en surpoids, les femmes, les personnes au prénom ou nom à consonance étrangère ou encore aux travailleurs handicapés.
Les affectations de missions, de postes et les promotions représentent des sauts qualitatifs propres à bousculer cette égalité des chances et donc créer des distorsions, des récriminations, des jalousies ainsi que du désengagement.
L’égalité des chances peut s’étudier au travers d’indicateurs simples. Il est possible de mesurer et corriger ses décisions à l’aune de cet éclairage. N’a t’on pas tendance, trop souvent, en tant que managers à se focaliser sur la justice naturelle?
L’équité via la justice naturelle en entreprise
Curieuse notion, puisque la justice s’appuie sur un corpus de règles stables, discutées et partagées, alors que la justice naturelle procéderait de lois de la nature. Elle suppose bien des principes d’impartialité, de juste traitement et d’un droit d’être entendu (besoin de reconnaissance).
Que peut bien être un « juste » salaire ? Quid des écarts de salaire entre le plus grand et le plus petit? La bonne pratique tend à défendre un écart de 1 à 10. Quant est-it au sein de votre entreprise?
L’appréciation des critères devient la pierre angulaire de la justice naturelle. Le décideur est souvent celui qui fixe aussi les critères. C’est par contre un outil adapté à l’entreprise. Il s’arrange d’une flexi-égalité qui admet des différences de salaires, d’avantages et de positions propres à une entreprise concurrentielle.
Un collaborateur peut accepter les hiérarchies et leurs attributs (elles paraissent souvent naturelles). C’est l’abus, la disproportion et le mépris qui les rendront inacceptables.
Prendre en compte ces sujets au sein des organisations pourra obtenir des résultats encourageants ainsi qu’une une bonne adhésion. Des collaborateurs qui se sentent traités « justement » se concentreront mieux sur les objectifs, moins sur leurs blessures morales. Ils seront plus facilement prêts à accepter les responsabilités, les changements et les défis.
Les risques d’une injustice sociale
Une tendance montre que certains décideurs peuvent douter de la nécessité de travailler sur l’équité au sein des organisations. Est-ce par peur de revendications de perte d’autorité, de statut ou simplement par choix de priorité ? Rappelons qu’équité n’est pas égalité.
Certaines entreprises place l’équité comme l’une de leurs valeurs. Elle va alors orienter les décisions et les comportements de chacun en interne comme en externe. Toute injustice devient alors un sujet de management et de responsabilité. À l’inverse, éviter de prendre en compte ce besoin de justice et d’équité peut faire naitre et alimenter un climat social tendu dans l’entreprise. Lorsque ces tensions se font connaitre à l’extérieur, elles peuvent entrainer une mauvaise notoriété auprès des parties prenantes (clients, fournisseurs et investisseurs) et une diminution de l’attractivité de la marque employeur.
Toute entreprise a une responsabilité qui dépasse le périmètre de ses collaborateurs. Plus elle est grande, plus elle influence un nombre importants d’acteurs tout au long de sa chaine de valeur. Par exemple, le secteur agricole et la grande distribution sont fortement dépendant. La colère régulièrement médiatisée et les initiatives sur le marché du lait pour un meilleur salaire des producteurs montre à nouveau cet enjeu de justice sociale.
Si les entreprises ne sont pas seules responsables, elles ont un rôle majeur à jouer. Nous recommandons d’ouvrir les discussions sur ce sujet pour mieux les gérer.
Et vous, que vous inspire cette journée mondiale de la justice sociale du 20 février 2019 ?