marteau de juge

La RSE encadrée par plusieurs textes législatifs.

Si la responsabilité sociétale des entreprises s’est développée à l’instar de démarches volontaires, la France a fait le choix de se doter d’un cadre législatif précurseur destiné à faire progresser la transparence des entreprises sur leurs impacts environnementaux et sociaux.

C’est la loi dite « NRE », relative aux nouvelles régulations économiques, qui en 2001 ouvre la voie à l’obligation des sociétés cotées en Bourse de publier dans leur rapport de gestion des informations relatives à la façon dont elles prennent en compte les conséquences sociales et environnementales de leur activité. Une première mondiale !

Progressivement, entre 2007 et 2010, les lois issues des concertations du Grenelle, avec comme point d’orgue la loi Grenelle 2, ont permis d’étendre les obligations aux grandes entreprises non cotées rendant obligatoire la prise en compte du pilier sociétal dans le reporting.

En 2013, au Bengladesh, le Rana Plaza, immeuble industriel où travaillaient des milliers de personnes à la confection textile s’écroule, tuant plus de 1000 personnes. Cette catastrophe vient malheureusement révéler au monde un besoin criant de responsabilisation des entreprises à l’égard de leur chaîne d’approvisionnement.

Les consommateurs occupent par ailleurs de plus en plus l’espace du débat sur la responsabilité sociétale des entreprises, n’hésitant pas à dénoncer et boycotter celles qui auraient des pratiques douteuses à ce niveau.

La loi sur le devoir de vigilance (2017) répond à ces préoccupations grandissantes et marque un nouveau tournant qui place la France à l’avant-garde de la réglementation en matière de RSE. Elle concerne alors les très grandes entreprises (+ de 5000 salariés) ayant leurs sièges sociaux en France et on leur demande non plus simplement de la transparence mais un plan d’actions concret pour prévenir les risques environnementaux, sociaux et de gouvernance sur l’ensemble de la chaîne

Le plan de vigilance repose sur une co-construction avec les parties prenantes et permet de mesurer au mieux les impacts réels, d’anticiper les risques éventuels et plus favorablement, les opportunités.

Dans la foulée, c’est à l’échelle européenne qu’un nouveau cadre est posé.

Mentionnée pour la première fois dans la stratégie de Lisbonne en mars 2000, la RSE a finalement pris une importance particulière dans la stratégie de l’union européenne.

En 2017, une nouvelle ordonnance modifie la directive n°2014/95/UE. Elle vient élargir le périmètre des sociétés concernées et induit la transformation du reporting RSE en reporting extra-financier. Les entreprises ont alors l’obligation d’inclure dans leur rapport de gestion une déclaration non financière en matière sociale et environnementale, ainsi qu’en matière de politique de diversité. Ont notamment été ajoutés de nouveaux items relevant de l’impact environnemental. La déclaration de performance extra-financière doit faire l’objet d’une publication accessible à tous sur le site internet de la société.

Les nouveaux textes ont introduit la notion de « matérialité » ou de « pertinence ». Les entreprises doivent présenter des informations spécifiques sur le plan social, sociétal et environnemental selon leur pertinence au regard des principaux risques ou des orientations politiques en cours.

Au final, le dispositif est demandé uniquement aux grandes entreprises de plus de 500 salariés avec un total de bilan dépassant 20 millions d’euros ou un chiffre d’affaires supérieur à 40 millions d’euros. Pour les sociétés non cotées, sont concernées celles ayant plus de 500 salariés avec un total de bilan ou de chiffre d’affaires supérieur à 100 millions d’euros. Notons que contrairement au reporting RSE, les PME ne sont pas concernées par le nouveau reporting extra-financier.

Selon leur forme juridique et la définition de certains seuils, les établissements de crédit, assurances, mutuelles et institutions de prévoyance, désignés « d’intérêt public » sont concernés par la directive.

On l’aura compris, le cadre légal entourant la RSE s’est consolidé et harmonisé à l’échelle européenne. On sait néanmoins que de nombreuses entreprises, et notamment les PME n’entrent pas dans le le cadre de la directive. Elles sont pourtant de plus en plus nombreuses à mettre en place une politique RSE sans pour autant devoir répondre à une contrainte externe. La démarche est interne et repose sur la conviction qu’elle est bonne pour l’entreprise et ses parties prenantes. Car qu’elle que soit la taille de l’entreprise, il est souhaitable de se mettre en route par conviction et non par seul souci, pour celles qui y sont soumis, de se conformer à un cadre légal.

Soft low et hard low

La démarche RSE relève en soi d’une tradition volontariste mais le seul concept aspire à une régulation par le droit. Par le droit dur (hard law), on instaure de véritables contraintes assorties de sanctions concrètes, et non simplement d’ordre médiatique (une réputation ternie peut néanmoins être extrêmement dommageable pour une entreprise…).

Le devoir de vigilance a fait entrer la RSE dans le champ de la responsabilité juridique.
Ne pas établir de plan de vigilance peut désormais faire l’objet d’une décision de justice condamnant la société concernée à s’exécuter avec à la clef une amende civile pouvant atteindre 10 millions d’euros. Le hard law permet ainsi de se saisir de ce que les entreprises n’auraient pas anticipé et qui présenterait potentiellement un impact négatif.

Aujourd’hui, l’idée générale est qu’il faut traduire les engagements en actes, et que ces actes, sont exigés par la loi sous peine de sanctions. La notion de compliance des sociétés notamment portée par la loi Sapin II connaît finalement un sort assez semblable à celui de la RSE ; les deux notions qui relevaient toutes deux de la loi souple tendent à se retrouver sur le terrain de la loi dure. La RSE peut parfaitement nourrir les programmes de compliance notamment sur le volet des codes d’éthique qui en font partie. Finalement droit mou et droit dur cohabitent. Le juste équilibre est à trouver. Des injonctions de mises en conformité (surtout sur le volet la corruption) peuvent engendrer des sanctions pécuniaires ainsi qu’un engagement de la responsabilité des dirigeants. La loi doit surtout mettre un terme à l’impunité et prévenir des pratiques douteuses très éloignées des choix vertueux préconisés par toute démarche RSE.

RSE : normes et labels

La norme ISO 26000, publiée en 2010, constitue la première définition de la RSE issue d’un consensus international. Qu’elles soient ou non contraintes à un reporting, les entreprises peuvent décider d’engager une démarche volontaire et la norme ISO 26000 peut leur offrir des lignes directrices pour opérer de manière socialement responsable.  La méthode est destinée à tout type de structure (entreprises, ONG, collectivité…) et permet d’avancer de manière transversale puisqu’elle aborde les domaines de la gouvernance, des droits de l’homme, des relations et conditions de travail, de l’environnement, de la loyauté des pratiques, des relations avec les consommateurs et de la contribution au développement local. L’ISO 26000 ne donne pas lieu à une certification. Il s’agit avant tout d’une norme de recommandations qui offre un cadre permettant de construire sa réflexion et ses actions. En revanche, sa mise en œuvre peut conduire en parallèle à une démarche de certification ISO 9001 (management de la qualité) et/ou ISO 14001 (management environnemental) et inversement. Ces normes sont tout à fait compatibles et complémentaires et l’on retrouve une préoccupation commune d’amélioration continue.

Pour les entreprises souhaitant s’engager et valoriser leurs efforts, il existe également divers labels et chartres. Le label Lucie s’aligne par exemple sur les sept questions centrales de l’ISO 26000 et le décline en vingt-cinq principes d’action. La labellisation, par l’Afnor ou Vigeo, n’est pas définitive puisque l’entreprise est régulièrement auditée afin de vérifier qu’elle a respecté les engagements qu’elle s’est fixés et qu’elle demeure dans une démarche de progrès. La notion de communauté d’entreprises labellisés est un élément qui séduit les entreprises. C’est également le cas pour le label américain B.Corp qui fait de plus en plus d’émules en Europe. Leur leitmotiv : « Ne pas chercher à être les meilleurs de la planète mais les meilleurs pour la planète ». Pour être labélisé B-Corp, il faut répondre à un vaste questionnaire de 200 questions, portant sur les thèmes récurrents de la RSE. Les résultats de ce questionnaire sont évalués par les experts B-Lab (organisation à but non lucratif liée au label). Pour être certifié, il faut avoir à la base une performance sociale et environnementale positive estimée en tant que telle à partir d’un score de 80. Les normes certifient souvent les engagements pris pour s’améliorer et non la performance des ses actions et engagements concrets.

En plus de réunir des entreprises motivées, dans une démarche collective et volontariste, l’idée de ces labels est souvent de désacraliser des jargons un peu techniques adossés aux nombreux process RSE pour revenir aux racines du business responsable, plus simplement.

LA RSE : un cadre international

La dimension internationale de la RSE est évidente à l’heure de la globalisation, les interactions sont multiples. Elle s’est développée parallèlement à la montée en puissance des multinationales. Elle propose aujourd’hui des garde-fous face au pouvoir de ces organisations devenues extrêmement puissantes. Elle constitue en cela un outil de régulation de la mondialisation. L’impact étant global, il est souhaitable d’harmoniser les pratiques à la plus grande échelle possible. L’Europe a pris sa part avec l’ordonnance de 2017 et l’on peut parier que le reporting extra-financier devrait faire avancer la RSE au niveau mondial. Le texte s’appliquant aussi à l’extérieur des frontières pour les multinationales, il a une portée internationale notamment scrutée attentivement dans d’autres pays.

Au niveau international, ce sont les principes directeurs de l’OCDE et ceux des nations unies en matière de droits de l’homme qui proposent par défaut le comportement des entreprises.  Les procédures entrainant des sanctions reposent néanmoins sur la soft law. Les jeux d’actions entre parties prenantes permettent cependant de faire émerger des démarches constructives. L’OIT, par sa déclaration tripartite sur les entreprises multinationales amendée plusieurs fois depuis 1977, fournit aussi une orientation. Les objectifs de Développement durable adoptés en 2015 (ODD) viennent contribuer à relever le défi d’un développement plus soutenable pour les hommes et la planète.

Le Global Compact des Nations Unies rassemble précisément entreprises, organisations, agences des Nations Unies, monde du travail et société civile autour des ODD. Ces objectifs constituent un agenda universel à atteindre pour construire une société meilleure nécessitant pour cela une intensification des engagements des entreprises.

On le voit : le déploiement d’un cadre légal, l’intensification d’initiatives diverses, les échanges d’expériences, la démonstration des avantages induits par une démarche RSE et la lucidité des consommateurs sont autant de facteurs qui devraient favoriser une progression de la prise de conscience et de la mise en pratique de démarches RSE à l’échelle internationale.