Le développement rapide du digital bouleverse chaque jour nos modèles de production et de consommation. Cette transformation numérique peut représenter un moyen très efficace d’accélérer la transition écologique. Mais les défis environnementaux liés au développement du digital et de ses usages ne sont pas toujours pris en compte ou mal traités.

Quand nous parlons de numérique, nous pensons directement aux ordinateurs et autres outils informatiques. Nous assistons cependant aussi à la création d’une multitude d’objets connectés offrant des services qui nécessitent des connexions quasi-permanentes (récupération des données de la montre connectée sur le mobile puis sur votre ordinateur, thermostat connecté…) et consomment de l’énergie tout le temps ou presque. 

On voit se développer des gadgets (parasol, collier de chien communicants…), qui stockent des données personnelles dans les data centers. Le numérique passe souvent à la trappe quand il s’agit d’évoquer de potentielles solutions pour arriver à une société « décarbonée ». Il émet pourtant aujourd’hui 4% des gaz à effet de serre mondiale, soit davantage que le transport aérien civil (source : The Shift Project – « L’insoutenable usage de la vidéo en ligne », juillet 2019). Cela nous amène à nous questionner sur l’utilisation et le réel sens de ces objets numériques – Sont-ils réellement indispensables ? 

Plus généralement quelle place voulons-nous donner au numérique dans nos vies, quel temps et quelle attention lui accorder ? 

Déjà quelques bonnes pratiques ! Identifions les usages numériques nécessaires, prenons du recul sur les offres gratuites et avec un accès illimité, basés sur la captation de l’attention et la publicité, sur l’utilisation des données personnelles et sur la surconsommation de contenus ou d’équipements. 

Les différents impacts observés

Un peu d’analyse…

Les principaux impacts du numérique au sens large sont d’abord concentrés dans la phase d’extraction des matières premières et de leur transformation en composants électroniques qui jouent sur l’épuisement de ressources abiotiques qui sont toutes les ressources naturelles non renouvelables qui ont été fabriquées géologiquement il y a des centaines de millions d’années.

Nous avons ensuite à faire à tous les impacts liés au processus de transformation des matières premières en composants électroniques. A cette étape, les impacts ne se mesurent plus seulement en émissions de gaz à effet de serre, mais aussi en termes d’épuisement des ressources naturelles. « Plus on miniaturise et complexifie les composants, plus on alourdit leur impact sur l’environnement, ces composants complexes exigeant beaucoup d’énergie, des traitements chimiques et des métaux rares », rappelle l’Ademe (Agence de l’Environnement et de la Maîtrise de l’Énergie) dans sa note sur la « Face cachée du numérique » de novembre 2018.  

Un autre phénomène très connu en économie, appelé effet rebond, se produit lorsqu’un processus gagne en efficacité (moins de moyens nécessaires pour un résultat identique). Ce gain d’efficience peut porter sur n’importe quelle ressource : énergétique, temporelle, monétaire, spatiale, etc. Alors qu’on pourrait s’attendre à une diminution de l’utilisation des ressources ainsi libérées (énergie, temps, espace, …), ces « vides » sont très rapidement « remplis » soit de la même ressource, soit par une autre ressource. L’effet rebond amène ainsi à un dépassement des consommations prévues. 

Ainsi, l’omniprésence de la sphère numérique n’aurait pas été possible sans les progrès réalisés en termes de consommation électrique et de connections au réseau. 

Comme illustré ci-dessous, l’effet rebond correspond au déplacement de la courbe (isoquant) de service énergétique du niveau SE au niveau SE’ des suites du déplacement de la contrainte budgétaire de C vers C’. Cette substitution provient de l’accroissement de l’efficacité énergétique d’un bien x. La réduction attendue des économies d’énergies nettes par rapport aux économies d’énergies brutes représente ainsi l’effet rebond. 

Supposons que le bien x est un ordinateur portable ; nous pouvons observer l’augmentation de son utilisation après l’achat d’un modèle plus performant.

L’effet rebond (ou Paradoxe de Jevons)

Ces effets indirects et rebond ont une grande part de responsabilité dans cette dégradation progressive de l’environnement et appellent à une approche plus systémique dans les réflexions conduites en vue de mieux maîtriser ces effets contre-productifs.

En dépit de la valeur intrinsèque de ces objets et du progrès technologique, ces objets électroniques ne résistent pas à l’obsolescence programmée générant un gaspillage colossal d’énergie, de matériaux, en particulier à cause de la dynamique du secteur et des effets de mode qui poussent à une consommation trop excessive.

Une grande partie de ces impacts ne nous touche pas directement du fait de notre éloignement géographique des zones concernées et ceci explique en grande partie les idées reçues de « propreté » de ces technologies. 

ET CONCRÈTEMENT ? 

Frédéric Bordage, expert du numérique responsable et créateur de la communauté GreenIT nous aide à comprendre ces chocs négatifs en nous livrant des chiffres parlants. Chiffres qui sont issus de son ouvrage « Société numérique – Les clés pour agir », 2019.

  • Les batteries en lithium contiennent des minerais qui sont toxiques et dangereux pour la santé. C’est pourquoi il est nécessaire de les recycler lorsque ces matériaux arrivent en fin de vie. Malheureusement, seul 1% du lithium est récupéré au niveau mondial. Le problème ne s’arrête pas là : une fois recyclé, il n’est pas assez pur pour fabriquer de nouvelles batteries. Il faut donc en extraire autant et polluer à nouveau pour en produire de nouvelles.
  • Contrairement à ce que l’on pense, la consommation d’énergie pour faire fonctionner un produit high-tech est bien inférieure à celle requise pour le fabriquer. « La consommation électrique d’un smartphone ne représente que 20% de son bilan énergétique global : 80% de la dépense énergétique se produit au cours de la fabrication de l’appareil ».  
  • Les centres de stockage de données (ou data centers) sont loin d’être la principale source d’impacts environnementaux du numérique. À l’échelle de la planète, ils représentent moins de 15% des impacts. Et leur efficience énergétique aurait doublé ces 15 dernières années.
  • Une quantité astronomique de déchets électriques et électroniques (DEEE) son produits chaque année dans le monde (près de 75 milliards de kilos). La moyenne européenne est de 16,6 kg par habitant et par an. La consommation domestique des français explose ce chiffre avec 21,5 kg de déchets en 2018. Par ailleurs, seuls 52% de ces déchets ont été recyclés en 2017.
  • « L’empreinte eau » du numérique n’est pas épargnée : nous savons que l’eau n’est pas une ressource illimitée. Pourtant, cette ressource est massivement utilisée pour permettre la fabrication des équipements high-techs, notamment lors de l’extraction des minerais et de leur transformation en composants électroniques. Mais aussi pour les alimenter en électricité lorsque nous les utilisons, notamment pour refroidir les réacteurs des centrales nucléaires. 
  • La dématérialisation consiste à transformer des documents matériels en documents numériques sous un prétexte écologique. Mais cette pratique a ses limites… Chaque cas doit être évalué séparément pour savoir si la dématérialisation a un intérêt. Par ailleurs, elle entraîne souvent un effet rebond. Si votre fiche de paye est stockée par un service dans le cloud, vous serez tenté de l’imprimer et de la sauvegarder ailleurs en double pour plus de sécurité. Dans cet exemple, la dématérialisation perd donc de son sens.
  • L’analyse du cycle de vie de vos produits est un outil clé pour permettre la prise de conscience des impacts qu’engendre sa production, puis son utilisation. 

Si cela vous intéresse, Nicomak propose une formation Green IT pour aller plus loin dans la découverte des impacts du numérique … Et identifier ensemble des bonnes pratiques !