permaculture management

Connaissez-vous le point commun entre le train à grande vitesse japonais, le maillot de bain du champion olympique de natation et les colles biologiques de dernière génération utilisées en chirurgie cardiaque ? Toutes ces inventions ont été possibles en copiant la nature : le train japonais reprend le profilé du bec du martinet, qui ne fait aucun bruit quand il plonge et change de milieu ; le maillot de bain olympique s’inspire de la peau du requin avec ses micro-écailles lisses qui favorisent la vitesse ; et les colles cardiaques sont calquées sur le mucus des moules leur permettant de se coller dans l’eau à un rocher. 
Cette forme de plagiat est devenue une science à part entière, le biomimétisme : l’idée est de calquer la nature en partant du principe qu’au cours de l’évolution, la nature a sélectionné les processus les meilleurs. La permaculture reprend cette idée de plagiat, copier la nature pour l’appliquer entre autres à de nouvelles pratiques de développement agricole… ou de pratiques managériales. 
Découvrez pourquoi la permaculture est une solution d’avenir. 
Peut-être car la nature a le meilleur département R&D au monde
Il travaille pour nous depuis 3,8 milliards d’années ! 

C’est quoi la permaculture ?

Naissance de la permaculture

À la base, la permaculture est un modèle global d’agriculture naturelle durable, permanente, économe en ressources et respectueuse des rapports humains. Là où la science et la technique ont tendance à tout découper pour être optimal sur chaque donnée, la permaculture a une approche opposée : globale, systémique et holistique.

Elle s’inspire d’un modèle d’agriculture naturelle, proposé au milieu du XXème siècle par un agriculteur japonais, Masanobu Fukuoka. 
La méthode a été théorisée dans les années 1970 par deux scientifiques australiens, Bill Mollison et David Holmgren, considérés comme les pères de la permaculture moderne. 

Leur approche dépasse l’agrobiologie, en théorisant leur réflexion au service de l’organisation de nouvelle structures dans toute organisation humaine, que ce soit une entreprise ou une association. 
En appliquant le biomimétisme à toute organisation structurelle, l’idée est de proposer des solutions nouvelles ayant prouvé leur efficacité, et qui replacent l’individu au cœur d’un dispositif global.

Concept-clef de la permaculture : le côté champ !

Le modèle durable de la permaculture fait cohabiter sur un même terrain agricole différentes espèces, dont on a observé la coexistence dans la nature : c’est la reproduction d’un écosystème. 
L’idée, scientifiquement juste, est de dire que si la nature a permis un tel assemblage au cours de l’évolution, c’est qu’elle y a trouvé des bénéfices en termes de développement. 
Ainsi, les feuilles mortes de telle espèce servent d’engrais à telle autre, alors que la présence d’une autre plante va avoir par exemple des effets répulsifs pour protéger les autres végétaux d’une attaque parasitaire.

En tant qu’entité, la parcelle agricole est alors pensée comme un système, où chaque espèce cohabite tout en étant au service des autres : c’est la notion de symbiose
Il existe une forme d’interaction au bénéfice de chacun, dans une relation naturelle de type gagnant-gagnant. 
Si la relation est équilibrée de manière neutre, on parle de relation commensale, alors que si elle est nettement déséquilibrée au profit d’une seule, on parle de parasitisme.

L’idée est d’appliquer l’interaction de type symbiose à tout écosystème humain, à toute collectivité, introduisant une dimension éthique, durable et quasi philosophique. Est-ce de l’utopie ?

La permaculture : le côté ville !

Côté ville, la permaculture est donc une approche systémique visant à concevoir, à structurer et à gérer des systèmes durables, résilients, productifs et peu consommateurs de ressources, en copiant la nature dans un esprit de symbiose, à défaut de commensalisme. 
Ce système peut être une ville, un quartier, un immeuble, une entreprise… Toute organisation humaine peut théoriquement se penser en termes de permaculture.

Mais la permaculture comme approche systémique brise les règles évidentes : comment accepter une telle révolution et comment savoir si elle est réellement efficace ? 
Car par essence, toute révolution fait peur à l’homme, c’est normal.

Par chance pour elle, la permaculture arrive à une période où l’homme se retrouve confronté à deux révolutions sans précédent : 


• La révolution numérique : elle va repenser notre rapport au travail en donnant accès à tous aux savoirs et aux techniques (type impression 3D à domicile). 
L’uberisation du monde du travail n’en est probablement que le début. 


• La révolution écologique : l’épuisement à terme des ressources carbonées impose de repenser nos sources d’énergie, et probablement nos systèmes de consommation et de développement économique.

Ces deux révolutions sont inévitables et vont modifier le paradigme : et si la permaculture était une réponse accompagnant ce changement de paradigme ? N’est-ce pas le moment de repenser aussi le management de nos organisations en termes de développement durable ?

L’apport de la permaculture dans le management

Un constat d’échec ?

Pour beaucoup, le management actuel arrive à ses limites : les jeux de pouvoir ou d’ego finissent par créer chez l’individu des frustrations et une vraie démobilisation. Le danger est alors l’apparition d’un cercle vicieux, avec désengagement et désorganisation progressive. 
C’est en réalité un grand principe de physique, la seconde loi de la thermodynamique : tout système fermé tend à voir naturellement son entropie, ou son désordre, augmenter. Pour l’empêcher, il faut de l’énergie : et l’énergie humaine est comme l’énergie carbonée, elle n’est pas inépuisable. 
C’est pourquoi de nouvelles tendances, comme le management par la bienveillance, visent à replacer l’individu et l’humain au cœur de tout processus : c’est un besoin qui touche toutes les strates de la société.

Consciences de leur échec et des dépenses en termes de ressources humaines, des entreprises ont donc cherché à repenser leur management, avec un constat troublant : ces sociétés ne se connaissant pas sont pourtant arrivées, après plusieurs essais, à des solutions similaires… proches des solutions prônées par la permaculture. 
Comme si l’expérimentation confirmait les solutions choisies par la nature au cours de l’évolution : plutôt que d’expérimenter, pourquoi alors ne pas copier ?

Le méthodologie universelle de la permaculture

La permaculture est un modèle centré sur la plante, qui part de ses besoins et des particularités, pour déterminer les conditions les plus adaptées à un environnement donné.

Ce modèle repose sur une méthodologie stricte en trois points : 
• Évaluation : il faut observer l’écosystème local, sur une longue période ; il faut notamment réfléchir aux limites et aux ressources disponibles, par nature limitées. 
• Conception : c’est un processus créatif, mettant en synergie les ressources, et visant à revisiter la nature telle une copie améliorée. 
Le nouvel écosystéme ainsi créé reproduit un écosystéme naturel pré-existant. 
Maintenance : cette étape essentielle garantit le développement durable

Une observation attentive de la forêt définit ainsi 7 composantes, qui se complètent dans un écosystème autonome et remarquable : la canopée, les arbres fruitiers intermédiaires, les arbustes, les herbacées, la rhizosphère racinaire, la mycosphère et la strate verticale de type lianes. 
Chacune participe à la vie de l’autre, dans un équilibre naturel
C’est un écosystème naturel, complexe et qui fonctionne depuis la nuit des temps. L’étudier permet de voir et de comprendre ce qui fonctionne.

En appliquant cette méthodologie de la permaculture à une collectivité, chacun participe à un projet commun, sans réelle préséance : chacun observe, chacun est utile à l’autre, la notion de hiérarchie pyramidale est abandonnée. L’espace, l’organisation et le rythme sont pensés pour les besoins de chacun. Toutes les compétences sont mises à contribution en amont, pour favoriser inventivité et intelligence collective : l’entreprise apprend de ses collaborateurs. Comme l’homme apprend de la forêt.

Les bases de la permaculture en management

Les grands principes de la permaculture

La permaculture repose sur plusieurs grands principes applicables au monde de l’entreprise.

Observer et interagir : observer permet de définir l’action à faire ; interagir, c’est apprendre de l’expérience. 
C’est une démarche pragmatique quasi-scientifique.

Stocker l’énergie et respecter les ressources : l’énergie étant limitée, il ne faut pas créer de dette (financière, environnementale, humaine…) en favorisant un fonctionnement itératif et collaboratif. La loi sur l’entropie rappelle qu’il faut de l’énergie pour maintenir toute forme d’organisation : les ressources humaines sont elles aussi limitées et épuisables. Le burn-out en est un exemple extrêmement concret.

• Créer une production : il faut un résultat concret et immédiat, ce qui implique de bien connaître les besoins du client. Dans la nature, c’est l’idée que tout organe a une fonction, une finalité.

• Ne pas produire de déchets : il ne faut pas de travail inutile ; un travail d’inspection permet d’éliminer tout gaspillage. C’est un grand principe physico-chimique, rien ne se crée, tout se transforme, c’est un perpétuel recyclage. Dans une approche systémique, l’écologie raisonne d’ailleurs fréquemment en cycles : cycle de l’eau, cycle du carbone…

• Intégrer : les équipes doivent fonctionner en symbiose et être plurisdisciplinaires. L’autonomie est une plus-value. Dans la nature, un déséquilibre excessif aboutit au parasitisme et à la mort d’un des deux individus.

• Diversifier : la monoculture augmente le risque de maladies, comme les races pures animales augmentent le risque de tares génétiques. Diversifier les tâches limite les risques et de la même façon, diversifier les équipes est source de richesse.

S’adapter au réel : une vision permacole observe, elle ne cherche pas à prévoir ; la permaculture s’adapte au réel, elle ne veut en aucun cas le modifier.

• Autorégulation : la permaculture reprend une grande loi de la nature, visible à l’échelle cellulaire, la faculté de s’autoréguler par des mécanismes de feed-back. Au niveau cellulaire, l’auto-régulation vise l’auto-conservation, qui définit l’une des composantes essentielles de la vie. Il en est de même pour tout collectivité, avec l’importance du feed-back ou rétroaction. Autorégulation et autoconservation aboutissent à la notion de développement durable.

• Petite échelle : la permaculture favorise les projets à petite échelle dans l’espace et le temps, gage de simplicité et d’économie de ressources. La coalition de petits projets fait les grands projets. 
La permaculture donne donc la priorité à l’avancée par petits pas, au détriment des grandes avancés sans retour, qui peuvent conduire à des tunnels sans fin. 

Les trois règles du management permacole

Gestion horizontale 
Le management par permaculture abolit la notion de boss et de hiérarchie simplement verticale. Cela ne signifie aucunement la disparition des fonctions ou des structures, mais aucune ne prend l’ascendant sur l’autre. 
C’est en effet l’un des grands apports du biomimétisme, les systèmes les plus complexes fonctionnent sans « patron » : dans une forêt, la canopée n’est pas supérieure aux fougères ; dans une cellule, la mitochondrie n’est pas supérieure aux ribosomes… 
En effet, dans un système pyramidal, la seule personne en haut de la pyramide peut très vite être dépassée : un exemple très concret est l’économie de marché qui, malgré ses défauts, a montré sa supériorité à une économie planifiée à la russe, où tout était décidé d’en haut de manière pyramidale. Une économie moderne et efficace laisse des millions d’acteur du marché se coordonner, sans réel chef d’orchestre. 
L’idée est de guider, d’accompagner, mais surtout pas d’imposer. 
N’est-ce pas la demande des collectivités en termes de décentralisation ?

Laisser le travailleur être soi-même
Dans le cadre professionnel, chacun porte habituellement un masque professionnel. Prenons un exemple très simple : l’entreprise valorise le rationnel, comment laisser alors s’exprimer sa part intuitive ou émotionnelle ? 
L’image véhiculée est celle d’un vrai professionnel qui « sait » et ne doute pas : comment exprimer alors notre part naturelle d’hésitations ? 
Le management par permaculture considère que tout individu doit s’exprimer tel qu’il est, avec son côté masculin et féminin, avec sa tête comme avec ses tripes. Avec son bagage rationnel, émotionnel, spirituel, un individu est plus riche… et il amène donc plus de potentialités au sein d’une entreprise. Un individu libéré est plus impliqué et plus efficace. 
Pour réussir à laisser tomber ce masque professionnel, le salarié doit se sentir en sécurité : les conflits étant inévitables pour ne pas dire nécessaires à toute avancée, l’important est de les gérer. 
Dans le management par la permaculture, la communication non violente a un rôle essentiel : l’employé doit se sentir en sécurité pour oublier son masque, et être ce qu’il est vraiment.

• Un objectif, l’évolution et pas la révolution. 
C’est un des grands apports de la permaculture, et qui résume l’évolution darwinienne : tout organisme qui n’évolue pas est condamné à disparaître. La permaculture place l’adaptabilité comme élément princeps. Une entreprise devrait en théorie dépasser ses objectifs commerciaux pour se concentrer sur sa fonction d’être, sa finalité. 
Elle ne devrait pas se fixer des objectifs théoriques, mais écouter « où » elle a vocation naturelle à aller. 
Dans cet esprit de finalité, un management permacole a pour but d’évoluer et de progresser à petits pas, non pas pour satisfaire des objectifs chiffrés, mais pour mettre au point les process les mieux adaptés à son activité. 
Toujours s’améliorer, mais dans le but de progresser pour survivre. 
C’est une notion très importante à l’heure de la révolution numérique.

Bien évidemment, la permaculture parait très séduisante pour des raisons intellectuelles et philosophiques. Mais cela suffit-il à un entrepreneur ? Certainement pas dans la majorité des cas. 
Mais la permaculture n’est pas qu’un concept intellectuel, c’est un concept aussi particulièrement efficace sur le plan économique. La preuve par les chiffres !

Permaculture et réussite économique : un cas concret.

Il existe de nombreux exemples prouvant l’efficacité de la permaculture d’un point de vue strictement économique. 
Prenons un exemple hollandais très bien étudié, celui de Buurtzorg, une société de soins infirmiers à domicile fonctionnement selon un modèle associatif.

Un échec, la rationalisation du système de soins aux Pays-Bas

Durant des années, le système de soins hollandais a fonctionné avec des infirmières indépendantes dans chaque quartier. 
Après le premier choc pétrolier et l’arrivée de la pensée libérale, le gouvernement hollandais a voulu rationnaliser le système, pour gagner en rentabilité et en productivité. 
On a progressivement construit une structure pyramidale : ces infirmières ont été regroupées, on a créé un numéro d’appel unique et centralisé, elles ont progressivement perdu le contact direct avec leurs patients. 
Dans un second temps, leur travail a été découpé et spécialisé : les infirmières les plus anciennes et les plus coûteuses héritaient par exemple des soins les plus complexes. 
On a ainsi élaboré des plans de soins, où chaque acte était découpé en normes de durée… 
Il y a eu des économies d’échelle, mais la patientèle déboussolée a fini par fuir. Le système se rapprochait d’un point de rupture au début des années 2000. Cette approche n’est pas sans rappeler celle du milieu hospitalier en France et la crise actuelle. 
Rationnaliser une activité est logique et nécessaire : mais il ne faut jamais en oublier la finalité. Toute finalité purement comptable semble vouée à l’échec car l’entreprise oublie sa raison d’être.

Un succès, le système Buurtzorg

Ancien infirmier, Joos Buurtzog ne comprend plus son métier et sa raison d’être. Il décide de quitter cette organisation de plus en plus technique et rationnelle, pour créer sa petite association, replaçant le soin infirmier et le patient au centre. En 2007, ils sont 10. 

Dix ans plus tard, Buurtzog regroupe au Pays-Bas 7500 infirmiers en structure associative avec une part de marché de 70 %. 
En à peine 5 ans, Buurtzorg a été classé employeur n°1 aux Pays-Bas. Une enquête clientèle le place en première place sur 300 organisations de soins. Mieux encore, selon le cabinet d’audit KPGM la méthode Buurtzorg permet de baisser de 40% la dépense de soins par personne accompagnée ! Quel est le secret de cette formidable success-story ? 
Il est simple… la permaculture !

Voici en quelques points les éléments clefs de Buurtzorg, une réussite humaine et financière :

Pas de management vertical : pour gérer ces 7500 infirmiers, un petit comité de 10/20 personnes suffit. Il est à l’écoute de tous et n’impose rien. 
• Autonomie : chaque personnel soignant est autonome et chaque patient n’a qu’un seul référent infirmier. Ce dernier gère tout, n’hésitant pas à recréer du lien social : il va voir les voisins si besoin, conseille à la famille d’emmener les patients chez le coiffeur. Le patient se sent mieux, il est écouté ; l’infirmier connait tout de lui, il y a moins de gaspillage de temps et d’énergie. Les soins sont adaptés à la pathologie évidemment, mais aussi au patient. 
• Collaboration : le travail en équipe permet de faire émerger de nouvelles solutions. Les meilleures sont retenues et proposées. 
Responsabilité : chaque infirmier gère son écosystème, et essaye donc d’anticiper les problèmes. 
Adaptabilité : les outils informatiques ont été conçus pour répondre aux demandes des soignants. Chaque membre de l’équipe a en temps réel les chiffres clef pour suivre l’évolution des soins. 
• Évaluation : les soins sont évalués en terme d’investissement du soignant et de ressenti du patient, aucune évaluation n’est purement quantitative. 
Progression : tout progrès permet à la structure de progresser mais mieux, Buurtzorg publie ses « trucs ». Son but ? Que ses confrères, a priori concurrents, puissent aussi en bénéficier. Car sa finalité est claire, soigner les patients : il ne raisonne pas en objectifs chiffrés, un retour d’expérience se partage pour permettre à l’offre de soins globale de progresser. Une utopie ? Peut-être, mais qui est totalement réelle et réussit financièrement !

La permaculture a donc prouvé son intérêt et son efficacité, tant d’un point de vue humain qu’économique : elle répond à une vraie demande, replacer l’humain au cœur de tout process, dans une quête de sens.

Face aux révolutions numériques et écologiques qui se profilent, la permaculture est peut-être une réponse au changement de paradigmes, mais à une condition : concilier la démarche permacole d’avancée à petits pas, avec la notion de révolution qui impose au contraire un grand choc. L’histoire nous prouve que tout choc est difficile à accepter, et générateur d’à-coups. La permaculture est peut-être la seule vraie réponse.

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