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Des champs laissés en friche depuis de nombreuses années, une ville fantôme avec quelques chiens errants qui parcourent en meute ses rues désertes, des corbeaux qui tournent au-dessus d’une ancienne ferme où une vache laitière, squelettique, cherche les derniers brins de foin qui restent dans l’étable… Une scène du prochain Spielberg qui se déroule dans un monde post-apocalyptique ? Pas du tout, c’est une vision bien réelle que certains collapsologistes projettent pour un futur pas si lointain que ça. Mais qu’est-ce qu’un collapsologiste et la collapsologie de manière générale ?

Qu’est-ce que la collapsologie ou décroissance  ?

La collapsologie est la théorie de l’effondrement de la société industrielle dans laquelle nous vivons et travaillons actuellement. On connait cette théorie également sous le nom de décroissance, même si ce terme peut être employé de manière un peu différente en fonction du contexte. La collapsologie est l’effondrement total des systèmes mis en place alors que la décroissance est plus « douce » dans le sens où le changement se fait de manière plus lente et plus graduelle. La théorie de la collapsologie ne voit pas le système capitaliste global comme un système durable : nous utilisons trop de ressources, trop vites pour que cela puisse durer encore longtemps. Le changement climatique et la perte dramatique de la biodiversité que l’on peut observer en ce moment sont les symptômes du système actuel et joueront un rôle majeur dans l’effondrement de la société occidentale actuelle.

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Trois courants de pensée pour un sujet qui inquiète le monde de la recherche française

Les analyses des scientifiques et chercheurs qui s’intéressent à ce potentiel futur apocalyptique divergent, comme c’est le cas pour beaucoup de théories émergentes. Peu importe les details de la theorie, toutes les analyses s’accordent sur un point : on ne peut pas continuer comme ça ! Notre mode de vie et de consommation ont engendrés des industries hautement nocives pour l’environnement. Les conséquences de ces industries trop peu régulées depuis trop peu de temps sont tout d’abord écologiques : perte de biodiversité, changement climatique, montée du niveau de la mer, etc. Cependant, ces catastrophes écologiques se transformeront rapidement en désastres économiques. D’après un rapport de l’OCDE de 2016, 23 des 25 régions mondiales modélisées vont voir un déclin de leur croissance économique suite aux conséquences du changement climatique.

Voici un aperçu des trois principaux courants de pensée en France.

Fatalisme

Yves Cochet, ancien ministre de l’Environnement sous le gouvernement de Lionel Jospin, est un des premiers lanceurs d’alerte sur le sujet. Dans son livre Pétrole Apocalypse sorti en 2005, il prévoit déjà l’effondrement d’un système industriel largement basé sur le pétrole. Il reste aujourd’hui encore particulièrement alarmiste : dans un entretien en Août 2019 avec FranceInfo, Yves Cochet explique qu’il s’est retranché dans sa maison en Bretagne pour être préparé à survivre de manière autonome en cas d’effondrement de la société. Il place cet effondrement entre 2020 et 2040 et le pense intimement lié à l’épuisement des ressources de pétrole. Tout comme Mr. Cochet, de nombreuses personnes se préparent à un effondrement total de la société qui nous projettera de nouveau au niveau de la Préhistoire. Appelées « Preppers », ces personnes sont persuadées que la fin approche et qu’il faut être préparé à tout. Cependant, tous les Preppers ne pensent pas que l’effondrement viendra forcément par l’écologie, même si un certain pourcentage suit l’exemple d’Yves Cochet.

Exode citadin

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Agnès Sinaï, journaliste environnementale et collapsologue convaincue, a une vision légèrement différente de la décroissance que, tout comme Yves Cochet, elle pense inévitable (elle a co-écrit un livre avec lui en 2003). Elle pense que l’évolution des inégalités mondiales et de la dégradation environnementale atteindra une apogée qui finira en effondrement du système. Cependant, Mme Sinaï pense que l’effondrement du système actuel en place se traduira par la mise en place de bio-régions. Le bio-régionalisme est un courant de pensée né dans les années 1970 aux Etats-Unis et qui prône l’organisation en petites entités économiques et énergétiques. L’exode citadin (c’est à dire des villes vers les campagnes) est inéluctable. Dans sa proposition de bio-régionalisation de l’Ile-de-France, Mme Sinaï prévoit qu’en 2050, seulement 6,5 millions de personnes vivront encore en Ile-de-France et que la moitié de ces personnes participeront à une activité agro-alimentaire biologique pour permettre à cette bio-région de rester auto-suffisante. La consommation énergétique (qui proviendra de sources d’énergies renouvelables) sera divisée par 2,6 pour arriver au niveau de consommation énergétique des années 1960. La théorie d’Agnès Sinaï est donc grandement centrée autour du concept du retour à la nature et à l’agriculture biologique.

Effondrement pragmatique

Last but not least, François Gemenne, chercheur et spécialiste reconnu des questions de géopolitique de l’environnement et membre du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (Giec), voit lui aussi l’effondrement comme un fait qui est déjà en train de se produire, notamment pour les communautés les plus vulnérables. Dans autre côté, il ne croit pas à l’effondrement des sociétés occidentales. Lors d’une conférence organisée à Sciences Po Paris en Septembre 2019, il souligne « qu’il est déjà trop tard » et ajoute « on est dans une logique où il faut limiter les dommages ». Cependant, son approche est différente car pour lui, le concept d’effondrement est dangereux car il implique l’idée d’une catastrophe à venir. Cette catastrophe imminente fait peur et fragmente la société mondiale en limitant les échanges et en provoquant un réel repli sur soi-même. Dans ses propos, il évoque que ce concept « porte en lui les germes de l’extrême droite et du fascisme ». Mr Gemenne est pragmatique dans le sens où il pense « qu’une sortie du capitalisme est peut-être trop longue à mettre en place vu le temps qui nous reste pour agir ». Il se fait donc l’avocat de mesures très pragmatiques et rapides à mettre en œuvre pour minimiser au maximum les conséquences de l’effondrement de la société industrielle. On parle ici d’adaptation.

Peu importe le courant de collapsologie que vous pensez être le plus pertinent et probable : tous s’accordent à dire qu’il faut abandonner l’idée de la croissance verte. La décroissance est, selon ces trois courants de pensée, la seule issue, peu importe si sciemment planifiée comme dans la proposition de Mme Sinaï ou catastrophiquement inéluctable selon Mr. Cochet.

Une lueur d’espoir ?

Après des propos aussi fatalistes, la question se pose de savoir si nous avons une possibilité d’éviter la catastrophe. Certains intellectuels et chercheurs français, tels qu’Idriss Aberkane, évoquent ainsi les économies de la connaissance et de l’attention comme des économies devants remplacer nos modes de fonctionnements actuels. Cette vision innovative rejoint sur plusieurs aspects la vision d’adaptation de Mr Gemenne. Cependant, elle va encore plus loin en prônant l’innovation comme le chemin qui nous sauvera.

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Mais pour réussir la transition qui peut parfois paraitre bien longue et semée d’embauche, la société civile a un rôle à jouer qui est tout aussi important que les autres acteurs, étatiques ou autre. Si vous désirez en apprendre plus sur le rôle de la société civile et de comprendre comment les organisations peuvent y participer, contactez Nicomak dès aujourd’hui.