Par réflexe de politesse, il vous est peut-être déjà arrivé de lancer un petit « merci » à Siri après qu’il ait réglé une alarme, ou de taper « Merci ChatGPT 🙂 » à la fin d’une conversation. Après tout, bien élevé comme vous êtes, il est normal de remercier… même une intelligence artificielle, non ? Et puis ça ne coûte rien ! Enfin, c’est ce qu’on imagine. En réalité, nos gestes anodins face aux IA – que ce soit de les saluer, de les solliciter pour tout et n’importe quoi, ou simplement de les considérer comme des assistants inoffensifs – ont un impact et une empreinte souvent sous-estimé.

L’IA n’a pas d’ego : la politesse-machine, un anthropomorphisme amusant

Mettons les choses au clair : votre assistant vocal ou votre chatbot préféré n’a pas d’égo, pas d’émotions et pas de conscience. Lui dire « merci » ou « s’il te plaît » ne va ni le vexer… ni le rendre heureux. Ce geste relève de l’anthropomorphisme : nous prêtons des caractéristiques humaines à la machine. C’est humain de tomber dans ce travers : les interfaces sont conçues pour être conviviales, avec des voix chaleureuses et des noms personnifiés. Mais à force de traiter les IA comme des quasi-humains, on risque d’oublier qu’elles n’ont aucune obligation morale envers nous, ni nous envers elles. Ce n’est pas à Alexa qu’il faut ménager avec des politesses, mais bien aux personnes et à la planète impactées indirectement par son usage.

Chaque requête à l’IA a un coût écologique caché

Dire « merci » à ChatGPT ne lui fera ni chaud ni froid. En revanche, la requête que vous lui posez, elle, a un coût – invisible pour l’utilisateur lambda, mais bien réel. À chaque fois que nous interagissons avec une IA en ligne (chat, assistant vocal ou IA générative pour images), cela mobilise des serveurs dans des data centers souvent situés à des milliers de kilomètres. Ces machines puissantes tournent jour et nuit pour faire fonctionner l’IA. Conséquence : une consommation d’énergie colossale.

On parle aussi de la consommation d’eau nécessaire pour refroidir les serveurs. Quelques chiffres donnent le vertige : l’entraînement des grands modèles d’IA émet des tonnes de CO₂ (un seul entraînement équivaut à des centaines de trajets en avion). Même une simple question posée à un chatbot peut consommer l’équivalent énergétique de plusieurs ampoules allumées pendant une heure. Multipliez cela par des millions d’utilisateurs, ces requêtes anodines alourdissent encore plus la facture carbone du numérique.

On parle ici d’électricité en grande partie produite à partir de sources non renouvelables (charbon, gaz, etc.). L’IA contribue ainsi de façon significative à l’empreinte carbone du numérique. À l’heure du développement durable, il est crucial de garder cela à l’esprit pour utiliser ces technologies de manière plus sobre.

Derrière la machine, des humains bien réels

Quand on dit « merci » à l’IA, on oublie souvent ceux qui travaillent dans l’ombre pour la faire fonctionner. Derrière un agent conversationnel poli se cachent des milliers de petites mains et cerveaux humains. Par exemple, pour entraîner un chatbot à « bien » converser, il a fallu des annotateurs qui passent des heures à corriger ses réponses et à filtrer des contenus violents ou haineux. Ce travail, souvent effectué par des employés précaires à travers le monde, est l’une des réalités éthiques de l’IA.

Il y a aussi les concepteurs et chercheurs qui programment les algorithmes : chaque solution technique résulte du travail acharné de ces experts. Sans tous ces humains, votre assistant préféré ne serait qu’un amas de codes et de données inertes. Enfin, dire « merci » à l’IA peut nous donner bonne conscience pour pas grand-chose. Cela nous déculpabilise :« je suis poli avec la machine, tout va bien ». En réalité, les vrais enjeux moraux sont ailleurs : l’empreinte écologique des data centers, les conditions de travail de ceux qui modèrent les données, etc. Pour être responsable, il faut replacer la responsabilité au bon endroit. Cela signifie :

  • limiter les usages futiles d’IA pour réduire notre empreinte carbone numérique,
  • soutenir les IA éco-conçues
  • et exiger des conditions décentes pour les travailleurs du numérique.

Agir ainsi, c’est pratiquer une forme de **développement durable** numérique – une dimension souvent oubliée dans notre interaction quotidienne avec les IA.

Conclusion

Dire « merci » par politesse à une IA ne fait de mal à personne en soi. Cependant, n’oublions pas que la machine, elle, se fiche pas mal de notre gratitude. En revanche, l’empreinte sur la planète, et le travail des communautés humaines qui font tourner ces IA mériteraient toute notre attention.

La prochaine fois que vous interagissez avec un assistant intelligent, rappelez-vous qu’un serveur énergétique et un long travail humain se cachent derrière la réponse instantanée. Adopter cette prise de conscience, c’est le premier pas vers une utilisation plus critique et responsable de l’IA. Pour approfondir ces questions, découvrez la formation « Concilier IA et éthique »de Nicomak – le 25 juin à Paris. Cette formation abordera les enjeux écologiques et éthiques liés à l’IA et vous donnera les clés pour adopter des pratiques plus durables. Un excellent moyen de passer du simple « merci l’IA » à un véritable engagement pour une technologie plus respectueuse de nos valeurs et de notre planète.